Pr Adama Diouf, Spécialiste en Nutrition, Laboratoire de Recherche en Nutrition et Alimentation Humaine (LARNAH), Faculté des Sciences et Techniques-Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar
La nutrition est définie comme l’ensemble des processus par lesquels notre organisme transforme les aliments que nous consommons pour assurer son fonctionnement. Ces aliments sont transformés par le processus de la digestion en nutriments, lesquels jouent un rôle fondamental dans plusieurs processus métaboliques indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Par conséquent, l’insuffisance tout comme l’excès de consommation d’apport en nutriments peut entraîner des problèmes de malnutrition sous toutes ses formes ou Triple Fardeau de la Malnutrition, notamment, la sous-alimentation, les carences en micronutriments et le surpoids/obésité. Cette dernière classée depuis 1997 comme une maladie chronique évolutive, est un facteur de risque de maladies non transmissibles (MNT) liées à l’alimentation comme le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, les cancers etc. Une nutrition optimale qui permet de couvrir les besoins en micronutriments constitue aussi la base d’un système immunitaire fort, qui nous protège des maladies transmissibles. La nutrition joue donc un rôle essentiel dans la prévention de nombreuses maladies et le maintien d’une bonne santé.
L’alimentation en Afrique présente des risques de maladies pour les populations
L’alimentation peut être source de maladies si elle n’est pas appropriée. Quand, je parle d’alimentation et de pratiques alimentaires non appropriées, c’est par rapport justement aux habitudes et pratiques alimentaires des populations. Aussi avec la transition nutritionnelle qui est en train de s’opérer au Sénégal à l’instar d’autres pays à revenus faibles et intermédiaires, les régimes alimentaires traditionnels font place à des régimes caractérisés par la disponibilité et la consommation d’aliments transformés et ultra transformés qui sont riches en soit en sucre, sel, gras, et en additifs alimentaires qui consommés excessivement ou à fortes doses constituent un risque pour la santé
Par ailleurs, la sécurité sanitaire des aliments pose aussi un problème de santé. En effet, les pesticides sont beaucoup utilisés dans les cultures maraichères qui occupent une place importante dans l’alimentation humaine. Par conséquent, les populations sont exposées à des doses élevées de résidus de pesticide dans les aliments et donc à un risque de maladies comme le cancer. Donc, c’est sur le plan de la sécurité alimentaire et nutritionnelle mais aussi sur le plan de la sécurité sanitaire des aliments que les États doivent s’engager avec des politiques cohérentes qui puissent prendre en charge toutes ces problématiques.
Solution par rapport à la mauvaise alimentation
La solution doit venir l’État en mettant en place des politiques cohérentes adaptées au contexte actuel de triple fardeau de la malnutrition et qui vise à améliorer d’abord nos environnements alimentaires de sorte que les populations puissent avoir accès durablement à des aliments à haute valeur nutritionnelle, sains et diversifiés. En effet depuis des décennies, toutes les politiques étaient orientées vers la sous-alimentation. Aujourd’hui, le contexte est autre, la sous-alimentation persiste, et l’obésité et les maladies non transmissibles prennent de l’ampleur. Il faut des politiques plus orientées vers les consommateurs pour les amener à changer leurs comportements alimentaires à travers i) la production/valorisation des aliments locaux, des aliments dits « fonctionnels» qui, au-delà de leurs effets nutritionnels classiques, peuvent avoir des effets bénéfiques, sur la santé et/ou certains facteurs de risque de maladies, ii) la subvention des denrées alimentaires de bonne qualité alimentaire et promotion de la consommation des fruits et légumes locaux, de fruits sauvages iii) des innovations technologiques en matière de transformation et conservation des aliments locaux et assurer leurs disponibilités à plus grandes échelle.
Sur le plan de la réglementation, réduire la pression marketing, les publicités sur les « aliments malsains » de mauvaise qualité nutritionnelle qui ciblent particulièrement les enfants à travers les médias iii) Mettre des taxes sur les produits alimentaires de mauvaise qualité (riche en sel, sucre, additifs et autres)
La composante sensibilisation des populations sur les enjeux de santé publique de l’alimentation (que les médias soit d’avantage occupé par la promotion d’une alimentation saine et la valorisation des aliments locaux à haute valeur nutritionnelle) doit être une composante importante dans ce dispositif.
Des initiatives sont en cours et à saluer. Aujourd’hui, le Sénégal s’est engagé dans le processus d’élaboration des Recommandations Alimentaires (RANs) qui par définition sont « un ensemble de messages concis et faciles à comprendre développés dans le but d’inciter les individus et les populations à améliorer leurs habitudes alimentaires et leur mode de vie afin de prévenir les diverses formes de malnutrition et de préserver la santé et une bonne nutrition ».
C’est dans ce cadre qu’une enquête nationale sur la consommation alimentaire de la population Sénégalaise ainsi que l’élaboration d’une table de composition des aliments du Sénégal seront effectuées et les résultats permettront de disposer de données probantes qui vont éclairer nos décideurs par rapport aux nouvelles orientations politiques et stratégiques à mettre en œuvre pour améliorer durablement nos systèmes et environnement alimentaires.