La Carcinologie Cervico-faciale (CCF) est l’expression consacrée à l’étude des cancers développés entre la base du crâne et la base du cou. Il faut comprendre que les cancers cervico-faciaux représentent 4% de tous les cancers, pour 65.000 nouveaux cas et 15.000 décès par an. En France, ils occupent le 5ème rang après les cancers de la prostate, du sein, du colon et des poumons, pour 19.000 nouveaux cas annuels. Ils constituent également la 4ème cause de décès dû au cancer, par année. En Inde, le cancer cervico-facial est en tête de tous les cancers, allant jusqu’à plus de 50% dans certains états.
Les facteurs favorisants
Classiquement, le tabac, sous toutes ses formes, et l’alcool, sont retrouvés seuls ou en association. D’autres facteurs doivent néanmoins être recherchés et notés chez des patients n’ayant aucune imprégnation éthylo-tabagique. Ainsi le Papillome virus humain (HPV) a été observé dans certaines localisations pharyngées du cancer. Il en est de même de l’exposition à certains produits industriels, notamment pour les cancers du massif facial. Le cancer cervico-facial est principalement celui de l’homme, pour 90%, dans la plupart des séries. Cependant, pour certaines localisations, et notamment l’hypo- pharynx, hommes et femmes sont également affectés, en fonction des pays concernés. L’âge d’apparition du cancer se situe au-delà de 40 ans, marquant ainsi la longueur du délai d’exposition aux facteurs favorisants. Toutefois, les enfants et les jeunes ne sont pas forcément épargnés.
Des considérations cliniques
Le cancer nait et se développe aux dépens de la muqueuse des voies aéro-digestives supérieurs VADS et /ou de leur environnement. Pour des raisons anatomiques et physiologiques, on distingue les sièges suivants : Cavité buccale, Oropharynx, Hypopharynx, Nasopharynx, Larynx et Massif facial. A ces localisations, on adjoint les glandes thyroïde et salivaires, la peau cervico-faciale et l’oreille. Pour des raisons tenant tant au malade, à la famille, à la société qu’a l’état du système médico-sanitaire, les patients sont reçus à un stade évolué, voire tardif, de la maladie. Le cancer affecte alors leur vie de relation par des signes tels que la douleur, la dysphagie, la dysphonie, le saignement, l’hypersialorrhée ou la dyspnée. L’examen clinique est facilité par l’accessibilité de la lésion tumorale à la vue et au toucher : ulcération, infiltration, bourgeonnement, nécrose, saignement au contact, tuméfaction et perte de mobilité seront recherchés et évalués. L’examen au tube flexible, ou fibroscope, permet maintenant, dans le cadre d’une séance de consultation, d’affiner le diagnostic.
Des considérations paracliniques
L’apport du scanner et maintenant de l’IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) a fait avancer de manière remarquable l’exploration des cancers cervico-faciaux. Ils ne devraient cependant pas faire jeter aux oubliettes la radiographie standard, ainsi que l’enseignait François BACLESSE, surtout quand on évolue en zone sous-médicalisée, ou qu’on reçoit des malades aux moyens économiques réduits. Tout comme la Radiologie, l’Endoscopie a connu des progrès considérables. D’abord au plan de l’appareillage et de l’instrumentation, avec l’apparition de tubes ou endoscopes grossissants. Il en est de même du microscope opératoire grâce auquel le chirurgien peut désormais travailler avec ses deux mains. Ensuite l’endoscopie est redevable au formidable développement de l’anesthésiologie. Naturellement, la confirmation du diagnostic passe par l’examen anatomo-pathologique, après une biopsie ou une ponction. Le carcinome épidermoïde (deuxième forme la plus courante de cancer de la peau) est retrouvé dans plus de 90% des cas.
Choix thérapeutique
Quelques principes doivent guider le choix de l’orientation thérapeutique. Chirurgie, Radiothérapie et Oncologie médicale sont les principales modalités thérapeutiques. L’orientation thérapeutique est l’affaire de toute une équipe qui, idéalement, devrait comporter : un chirurgien, un radiothérapeute, un oncologue médical, un anatomo-pathologiste, un médecin interniste, un radiologue, un chirurgien plasticien, un psychologue, un épidémiologiste, un orthophoniste et un chef infirmier. Le choix thérapeutique doit naturellement être guidé par une évaluation lucide, pertinente et cohérente des contraintes liées au patient, sa famille, l’équipe et donc au système socio-sanitaire en vigueur. D’une manière globale, malgré les progrès technologiques des dernières années, le pronostic de ces cancers est marqué par une survie à 5 ans d’environ 50 %, dans les pays du Nord. Dans nos pays, compte tenu de la modicité des moyens médicaux, et du caractère tardif des consultations, ce taux de survie est bien plus bas.
En somme
Les cancers cervico-faciaux, comme les autres cancers, sont un vrai problème de santé publique et méritent donc, de la part de la classe médicale et des autorités médico-sanitaires, une attention particulière. Le patient, en tant que personne humaine, a des responsabilités individuelles, professionnelles, familiales et sociales qui ne sauraient être ignorées ni négligées par son médecin. Il doit pouvoir bénéficier des mêmes progrès enregistrés dans les pays du Nord. L’indéniable qualité des résultats du traitement du cancer du larynx-véritable modèle pour l’enseignement de la Carcinologie-au Sénégal devrait être étendue aux autres localisations.