(Prof Roch A. Houngnihin, anthropologue, Coordonnateur du Programme de la médecine traditionnelle, Ministère de la santé, Bénin)
Le praticien de la médecine traditionnelle est défini par l’Organisation mondiale de la santé (2002), comme étant la personne reconnue par la collectivité comme compétente pour diagnostiquer et dispenser des soins de santé basés sur les concepts de la maladie et des invalidités prévalant dans la collectivité. On distingue, à cet effet, plusieurs catégories de praticiens de la médecine traditionnelle.
Plusieurs catégories d’acteurs en présence
Les professionnels de la médecine traditionnels les plus nombreux sont les phytothérapeutes qui soignent principalement au moyen des plantes. La plupart des acteurs se réclament de cette catégorie, en raison de la disponibilité de la matière première (les ressources végétales) et de l’influence des instances nationales de régulation qui n’ont d’expertise que dans les plantes et qui répugnent toute autre préparation médicamenteuse (notamment celle à base d’ingrédients d’origine animale).
En dehors de cette catégorie de professionnels, on note la présence d’acteurs qui se spécialisent dans le traitement des fractures. Cette pratique médicale qui renvoie souvent à un héritage familial, est appelé « chirokinésithérapie ». Par contre, les phlébotomistes qui sont spécialistes des techniques de saignée pour soigner, sont de plus en plus rares en raison de l’émergence des pathologies liées au sang (sida, hépatite, etc.). Dans la plupart des cas, ces acteurs sont des ritualistes et des psychothérapeutes, procurant des soins principalement par les techniques se référant à la puissance de verbe appelée péjorativement « incantation ».
Le Bénin se particularise par la présence de médico-droguistes qui sont des personnes qui connaissent les usages et qui vendent des substances médicinales autres que les plantes. Ces acteurs parcourent les villes et villages et mêmes les pays de la sous-région aux fins de proposer des remèdes.
Des confusions à éviter
Ces catégories de praticiens de la médecine traditionnelle doivent être différenciées notamment des charlatans qui sont des personnes qui, autrefois, vendaient des matières premières végétales sur la place publique, en vantant à grands discours, les recettes. Aujourd’hui, les charlatans renvoient à ces personnes qui exploitent la crédulité de leurs clients en vantant dans les médias, les qualités souvent douteuses de leurs recettes. On pourra évoquer les marabouts qui sont des prêtres musulmans qui utilisent des versets coraniques à des fins thérapeutiques.
Une médecine holistique
La pratique médicale dite moderne s’acquiert dans les écoles de formation réglementées avec des conditions d’accès particulières. Ainsi, la transmission des connaissances se fait à travers une formation structurée avec un corps enseignant bien distinct. Cette pratique s’exerce dans les centres de santé publics ou privés. L’examen du malade comporte un diagnostic, des examens cliniques et des analyses biomédicales. Les produits prescrits sont codifiés avec des indications de posologie et d’administration bien précise. Cependant, la gamme de matériels utilisés, les spécialistes, les équipements et les infrastructures rendent cette médecine en général et sa thérapie en particulier inaccessible à la grande majorité de la population.
A l’opposée, la médecine dite traditionnelle s’exerce au sein de la communauté. Des efforts de réglementation sont en cours dans plusieurs pays africains. Ces professionnels sont appelés tradipraticiens, tradithérapeutes, tradipraticens de santé, praticiens de la médecine traditionnelle selon la nomenclature adoptée par les pays. La démarche se réfère à un ensemble de symptômes dominants, et le traitement est souvent oral avec l’usage de plantes, de dérivés d’animaux, de minéraux ou d’ossifications. En général, l’initiation au savoir traditionnel est médico-spirituelle et pragmatique. Sur le plan socio-économique, cette médecine est peu onéreuse et plus accessible à la grande majorité de la population. Les succès dans le domaine de la pharmacopée traditionnelle sont de nos jours incontestables, surtout dans certains groupes de pathologies comme : les troubles psychiques, les hépatites, la drépanocytose, le diabète, l’hypertension artérielle ainsi que les affections opportunistes du Sida.