Les aspects positifs et délétères de la médecine traditionnelle en Afrique de l’Ouest
(Janvier Sossou, administrateur de projet, Ministère de la santé, Bénin)
La Déclaration d’Alma-Ata a proclamé, déjà en 1978, que la médecine traditionnelle est une composante importante des soins de santé primaires. Plus proche de nous, en 2000, le Comité régional pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté la Stratégie régionale intitulée Promouvoir le rôle de la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé, une stratégie qui a pour objectif de contribuer à la santé pour tous en optimisant l’utilisation de la médecine traditionnelle.
Les orientations internationales et sous régionales en faveur de la médecine traditionnelle
Depuis 1990, l’OMS préconisait l’intégration des guérisseurs traditionnels dans les programmes nationaux de lutte contre les maladies prioritaires afin de rechercher différentes stratégies, les essayer, les évaluer, les adapter et les adopter. Ainsi, dans le cadre des soins de santé primaires, il s’agit d’exploiter les ressources disponibles, accessibles, acceptables et financièrement abordables dans les pays pauvres. Et la médecine traditionnelle apparaît comme un secteur potentiellement riche et peu exploité dans le cadre du renforcement du système de santé. Pour ce faire, les pays étaient invités à établir des inventaires sur les pratiques efficaces, à apporter la preuve de l’innocuité, de l’efficacité et de la qualité des remèdes traditionnels, et à entreprendre les recherches appropriées.
En Afrique de l’Ouest, les efforts des Ministères de la santé ont permis d’organiser les acteurs de la médecine traditionnelle au sein des associations et fédérations de praticiens de la médecine traditionnelle, de mettre en place un cadre réglementaire pour la pratique de la médecine traditionnelle, d’élaborer un code de déontologie et des modules de formation à l’intention des praticiens et de renforcer les capacités des acteurs. Dans cette perspective, les actions menées reposent sur l’amélioration du cadre juridique, le renforcement des compétences, la mise en place d’une banque de données sur la médecine traditionnelle, le renforcement de la collaboration, la promotion des jardins de plantes médicinales et la recherche en médecine traditionnelle.
Les acteurs et les produits de la médecine traditionnelle en jeu
Les aspects délétères de la médecine traditionnelle sont de deux ordres : l’un concerne les produits de la médecine traditionnelle, l’autre les acteurs de cette médecine. Dans le domaine spécifique des produits, contrairement aux autres régions du monde, les pays d’Afrique de l’Ouest disposent de peu de médicaments à base de plantes et de produits apparentés enregistrés et contrôlés, avec une procédure qui puisse garantir la qualité et l’utilisation correcte et sûre. Cette situation est source de mésusages caractérisés par une surconsommation, des prises prolongées, parfois en inadéquation avec l’état physiologique (âge, grossesse, allaitement, …) ou pathologique (insuffisances hépatique, rénale, cardiaque, …) du patient. Ainsi, les principaux problèmes de cette médecine sont liés au dosage et à la toxicité difficilement quantifiables, surtout lorsqu’il s’agit des enfants, des personnes âgées, des gestantes et femmes qui allaitent.
De ce fait, beaucoup d’efforts restent à faire malgré la règlementation favorisant l’enregistrement des Médicaments traditionnels améliorés (MTA). Il est à cet effet, nécessaire de garantir la qualité pharmaceutique, la sécurité d’emploi et l’efficacité thérapeutique, tout en prenant en compte l’usage traditionnel des remèdes à base de plantes. L’impact des médicaments traditionnels dans le secteur économique et dans le domaine de la santé renforce la nécessité de disposer d’informations concernant la fiabilité des médicaments à base de plantes. Cette disposition passe notamment par une réorganisation des acteurs, de façon à ce que chaque praticien compétent et désireux de s’impliquer dans un processus durable de valorisation de la pharmacopée puisse effectivement le faire.
En ce qui concerne les acteurs, il est impératif de faire la distinction entre les vrais praticiens de la médecine traditionnelle et les charlatans, qui ont profité, jusqu’à présent, d’une faible organisation des acteurs de la médecine traditionnelle. Depuis 2001, les efforts au sein des pays ont permis de fixer les principes déontologiques et les conditions d’exercice de la médecine traditionnelle. Ces pays s’efforcent d’améliorer ce cadre juridique, mais surtout de le rendre applicable sur le terrain.